Archives de catégorie : Personnages

Des personnages à foison : Robin

Robin Koutemania (11 ans)
Robin bénéficie de l’aura de son grand frère. L’ancien champion de judo. Du haut de ses douze ans, il promène la même carrure massive que lui. Sans doute pas la même ténacité. Le réseau du grand frère, de ses amis, lui donne les coudées franches. Pas autant que s’il avait été dans la dope, évidemment, mais assez pour que Robin soit tranquille dans les cours et les coursives de la cité.
L’univers de Robin, c’est celui des bancs, des cages d’escalier, du centre commercial. Réfractaire aux chaises de l’école et à l’appartement familial surpeuplé. Mais si le grand frère n’habite plus avec eux, le F3 est bien encombré : le père, la mère, les deux autres frères et la grand-mère maternelle qui l’étouffe de son affection.
Accolé au centre commercial, se dresse un grand hangar dans lequel les cadres et les jeunes de la ville proche s’adonnent au paint-ball. En treillis, bardés de protections, ils se canardent à longueur de week-end. Inabordable aux mômes de la cité. Mais c’est un ami du frère de Robin qui tient la caisse le dimanche. Il laisse le môme se glisser à l’intérieur. Il est agile et vif, il connaît les coins et les recoins. Même s’il est loin de l’âge réglementaire, les participants se battent pour l’avoir dans leur équipe. Mais Robin préfère jouer les francs-tireurs. Il prend un malin plaisir à viser et à toucher là où il sait que les protections sont les plus faibles : derrières les genoux, dans la nuque.
Doroteo le repère immédiatement. Robin est trop heureux de trouver quelqu’un qui voit en lui des qualités là où tout son entourage ne voyait que flemme et perte de temps.

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Des personnages à foison : David

David (12 ans)
David a douze ans et il est amoureux de Nadège. Ca ne veut pas dire grand-chose. Pas d’histoire d’amour dans la cité. Il fait comme les autres, il traîne avec ses copains. Impossible même d’en parler, de l’évoquer. Instinctivement, il sait qu’il serait la risée de ses camarades, il sent qu’il mettrait en danger Nadège. Une fille qui embrasse un garçon, c’est une traînée, une moins que rien.
C’est sans doute pour cette raison que David aime tant l’école. Là, les règles sont différentes. Là, chaque jour, il passe plusieurs heures dans la même pièce que Nadège. Ils peuvent échanger quelques regards.
C’est le cours de Sciences Naturelles qu’il préfère. C’est la seule professeur qui a réussi à couper court aux réflexions machistes, qui a réussi à tenir ceux des amis de David qui la ramenaient le plus. Il se rappelle comment elle a tenu tête aux rires puis aux sifflets lors du premier cours sur la reproduction humaine. Et même s’il sifflait lui aussi, même s’il était choqué lui aussi, il a senti que ce que cette prof imposait quand elle mettait fins aux sifflets était plus important qu’un simple cours d’anatomie.

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Des personnages à foison : Sean Penn

Sean Penn (45 ans)
Tout le monde connaît l’acteur remarquable qu’est Sean Penn. C’est aussi un homme engagé. En mars 2003, il rendait visite à Saddam Hussein. Ce n’était pas pour soutenir le régime du dictateur, juste pour dire qu’il y avait là-bas une identité qu’il fallait peut-être considérer avec un peu moins de désinvolture. Le dirigeant irakien était le premier d’une longue liste. Depuis lors, profitant de sa notoriété, Sean Penn a sillonné le monde, accumulant les rencontres avec des Chefs d’Etat montrés du doigt par la communauté internationale. Il prépare un film qui rassemble ces paroles qui lui semblent, malgré tout dignes d’attention. Kadhafi, Arafat, Castro, Khamenei. Parce que Sean Penn pense que ces dirigeants sont symptomatiques de situations qui ne se régleront pas nécessairement à coups de canons.
Lorsque la révolte menée par Doroteo-Pancho lui parvient, son intérêt est immédiatement aiguisé. Peu probable qu’il s’agisse réellement du révolutionnaire Mexicain. Mais cette lutte désespérée et absurde le fascine.
La rencontre avec Doroteo est d’une force extrême. L’homme est brutal, décidé et terriblement charismatique. Il prend Sean Penn sous son aile et l’entraîne avec lui.
Voilà l’acteur promu chroniqueur du combat et de la vie de Pancho Villa, de ce Pancho Villa pour le moins. Le voilà chargé de faire connaître à l’extérieur la nature de cette lutte.
Mais son engagement va bien au-delà d’un rôle de témoin. Sean Penn est vite partie prenante des décisions et des opérations. Plus le pouvoir de Doroteo s’étend, plus il s’éloigne de son rôle d’observateur impartial.
C’est Sean Penn qui affronte les journalistes lors de la première conférence de presse donnée par les insurgés après la signature du cessez-le-feu : « Une trêve a été conclue. Mais les autorités sont loin de reconnaître l’importance du combat que nous menons. Malgré la trêve, malgré la négociation, nous sommes toujours sous le coup d’une inculpation pour A.M.T. Excusez le jargon, il n’est pas de notre fait. A.M.T. : Association de Malfaiteurs à but Terroriste. Terroristes ? La terreur ? Qui fait régner la terreur ? Pas nous. Le pouvoir s’ingénie à confondre terreur et insécurité, comme il l’a toujours fait. Ce sont pourtant deux notions bien différentes. Quant à nous, nous n’avons aucune difficulté à reconnaître la terreur générée par la société, cette terreur qui nous confine dans les cités et brise tous les liens sociaux, cette terreur qui a donné naissance à la violence dont nous disposons aujourd’hui. Une violence dont nous ferons usage pour mettre fin à la terreur ! Parce que c’est notre dernier recours. » Sean Penn défend l’indéfendable et tente d’exposer au monde comment et pourquoi est née cette révolte.
Plus les jours passent, plus Sean s’implique ; tour à tour défenseur d’une cause, porte-parole, chef des opérations de sécurité.

Des personnages à foison : Luis Fuentes

Luis Fuentes (50 ans)
Emiliano Zapata avait une tâche de vin sur la poitrine. Lorsqu’il a été abattu en 1919, le corps exposé sur la place du village n’avait aucune tâche de vin.
Nombreux, au Mexique, sont ceux qui pensent que Emiliano Zapata n’est pas mort en ce jour de 1919. C’est la légende. Et une part d’espoir.
Luis Fuentes est détective privé. De ces détectives privés dont les manières et la dégaine sont directement importées du proche voisin Nord-Américain.
Depuis le début de sa carrière, Luis vit sur un bon filon. Il est payé, année après année pour retrouver Emiliano Zapata. Le temps passe et il est plus que probable que Zapata, même s’il n’a pas été tué dans cette embuscade en 1919 soit mort de sa belle mort. Peu importe, il enquête. Un historien avec des méthodes de détectives.
Alors lorsque lui parviennent les échos du retour de Pancho Villa dans le Sud de la France, son sang ne fait qu’un tour. Villa n’est pas Zapata. Mais quand même… ils se sont connus, ils se sont côtoyés. Si l’un est revenu, pourquoi pas l’autre. Peut-être Pancho sait-il ou se cache Emiliano. Après tout, un revenant de 120 ans, on a vu des choses bien plus étranges.
Luis rejoint la cité insurgée. Et c’est lui qui (re)construit la mémoire de Doroteo, lui qui connaît si bien les péripéties et les rebondissements de ses campagnes mexicaines. Doroteo retrouve ses souvenirs, Doroteo se réapproprie les souvenirs, les transforme en autant de solutions sur le terrain. Il vit une deuxième fois.

Des personnages à foison : Ross Richter II

Ross Richter II (35 ans)
Ross est un jeune journaliste américain qui travaille pour Newsweek. C’est un journaliste de gauche. Au fil de sa courte carrière, il n’a cessé de mettre les pieds dans les traces qu’a laissé son père lorsqu’il était agent de la CIA.
Spécialiste de l’Amérique Latine, chaque enquête menait Ross à dénoncer les dégâts causés par la politique de la CIA. Son père est aujourd’hui retiré dans une petite ferme du Michigan. Mais il a été agent opérationnel pendant quarante ans. Chaque visite de Ross se termine en pugilat. Renversement de gouvernements, déstabilisation économique, encouragement des trafics. Dans quoi son père n’a-t-il pas trempé ?
Il y a quelques mois, Ross s’est installé à Mexico. Il y a rencontré Amalia avec qui il s’est installé. De recoupement en discussion, il n’a pas tardé à découvrir que le père d’Amalia avait été arrêté et torturé par son propre père. Il n’a rien dit, mais ça a été le début d’une fuite. Dès que Newsweek appelle, voilà Ross sur le départ. Plus la destination est lointaine, plus elle est dangereuse, plus il est prompt à accepter.
C’est ainsi qu’il se retrouve dans le Sud de la France pour couvrir cette improbable situation insurrectionnelle.
Mais Ross, contrairement à son père, n’a rien d’un baroudeur. Il est toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Quelques jours à peine après son arrivée, le voilà pris entre deux feux, sa voiture renversée lui servant de maigre bouclier. Ross est sûr qu’il va mourir. Et il consacre ses dernières minutes à tenter de joindre Amalia pour lui dire… que son père a torturé le sien.
Et encore, il est loin de penser que son père n’est pas si loin. Sa retraite n’est qu’une image. Depuis plusieurs années, il a focalisé son attention et ses connaissances sur les réseaux islamistes. C’est lui que la CIA a expédié sur le terrain lorsque les cités ont commencé à se révolter dans le Sud de la France.

Des personnages à foison : Valentine Rouvert

Valentine Rouvert, dite « Pepita » (25 ans)
Valentine est professeur de Sciences de la Vie et de la Terre. Affectée en Z.E.P. comme tous les jeunes professeurs, elle a vite affermi sa position auprès des enfants.
Pourtant son arrivée dans le lycée fut agitée. Deuxième jours du Ramadan, les élèves incendient la poubelle et font valser les chaises et les tables à travers les fenêtres. Valentine ne s’est pas démontée.
Sans doute sa moto rutilante y est-elle pour quelque chose dans cette hésitation qui flirte parfois avec le respect dont font montre les élèves à son égard. Son surnom énigmatique : Pepita, certainement aussi. Pourtant Valentine n’a rien d’espagnol, yeux bleus, cheveux clairs et teint blafard. Pepita ? Certains des frères aînés jurent que lors d’une virée en Espagne pour acheter de l’héroïne, ils l’ont vue danser le flamenco sur une table de bar. Certainement le fait qu’elle puisse se débrouiller en arabe participe-t-il à ce respect.
Toujours est-il que c’est elle que le proviseur a envoyée en première ligne pour parler aux élèves lorsqu’un des grands frères a été poignardé devant la grille de l’établissement. C’est elle qui a encaissé les cris, les pleurs et la colère.
Hors de la cité, hors du lycée, Valentine perd un peu de sa superbe. Hésitante, inquiète. Elle traîne avec elle une insomnie perpétuelle. Une sorte de boulet qui la rend parfois hagarde pendant ses longues périodes de veille. Elle tombe, elle s’effondre, elle dort, quelques minutes à l’abri des regards.
Lorsque la cité bascule, c’est la seule à ne pas fuir. Une curiosité qui frise l’inconscience. Elle a entendu parler de Doroteo, depuis des semaines déjà, au sein du lycée.
Elle ne se rend pas compte qu’il entretient une relation très ambiguë avec tout ce qu’elle représente. Le savoir. Une école que les enfants décrient.

« Valentine Rouvert, le professeur de Sciences de la Vie et de la Terre de la cité ! […] Ses cheveux d’un blond dense sont coupés courts, couvrant à peine sa nuque. Elle a un corps athlétique, un peu massif, et cette aisance impudique propre aux naturistes. L’aréole de ses seins est très foncée.« 

Des personnages à foison : Catherine Guérin

Catherine Guérin (55 ans)
Catherine est commissaire de police. Elle arrive à la fin de sa carrière avec tous les honneurs dont peut rêver un policier. Normalement, elle aurait dû finir au Quai des Orfèvres, mais elle a préféré la province. Son indiscipline, son indépendance, ses silences et ses facéties, ses trop nombreux détachements à l’étranger y sont certainement aussi pour quelque chose. Elle a formé les policiers de l’autorité Palestinienne à Gaza, elle a étudié la génétique au Canada, elle a participé à l’élaboration des fichiers informatiques Franco-Allemands. Elle a vadrouillé grâce à son métier, comme elle a papillonné dans sa vie. Catherine est mariée depuis trente-cinq ans avec Victor. Mais il lui faut plus de doigts pour compter les hommes avec qui elle a vécu que les mois qu’elle a passé avec Victor. Presque autant d’histoires d’amour que de voyages. Et une étrange relation qui s’est construite avec Victor.
Victor écrit des romans policiers, il tente d’écrire. Et ce n’est qu’au sein de ces manuscrits qui s’empilent sur les étagères qu’il évoque, avec un certain humour, les aventures de Catherine, tuant par procuration le petit ami du jour.
Comme deux vieux complices. Mais Catherine sait que la relation est loin d’être équilibrée. Elle est heureuse, il est triste.
Depuis quelques mois, depuis son départ dans le Sud de la France, elle sait que Victor a une aventure. C’est une sorte de soulagement au-delà de toute espérance. Enfin, Catherine n’est plus l’héroïne de ces romans inachevés, un homme prend sa place et se dessine sous la plume de Victor. Catherine ne dit rien, elle considère que ce n’est pas son rôle, surtout pas. Pourtant, elle a quelques réserves. L’élu du cœur de Victor s’appelle Paolo. C’est un ancien brigadiste italien. Un de ceux menacés d’extradition. Elle n’a rien à redire. Mais elle a peur que Victor ne se brûle les ailes.
Bien que les événements dépassent les simples compétences de la police, c’est à Catherine qu’échoit « l’affaire Pancho Villa ». S’il y a une chose dont elle est sûre, c’est que le travail des différentes agences de renseignement sur le terrain est particulièrement médiocre. Mauvaise interprétation des événements, infiltration de tous les groupes sauf ceux concernés par le soulèvement.
Et il y a la coopération. Les RG, la DST, la DGSE, passe encore. Ils sont juste bêtes et stupides. Mais cet infâme type de la CIA et ses discours patriotiques tout droit sortis d’un mauvais film catastrophe, non ! C’est sans doute l’espagnol de la CESID qui plaît le plus à Catherine. Patricio est exubérant, mais discret. Le seul à ne pas se la jouer. Le seul à la traiter correctement. Le seul avec qui elle peut écluser les bars à la nuit tombée. Le seul à porter quelque chose de vrai dans le fond de son œil, une image du 11 Mars encore battante.
La fille de Victor a suivi sa belle-mère dans le Sud. Depuis son arrivée, elle sort avec Steve, un jeune garçon issu de la cité. Un de ceux qui en est sorti. Catherine hésite, mais elle aimerait l’y faire replonger, se servir de lui pour entrer en contact avec Doroteo. Mais elle souhaite préserver sa belle-fille.
C’est l’ensemble de la famille qui finit par plonger. Le brigadiste de Victor a pris fait et cause pour les insurgés ; il descend rejoindre Catherine dans la tourmente. Victor replonge à son tour, happée par la fibre du roman policier, ne voulant à aucun prix passer à côté de ces événements qu’il trame déjà en un entrelacs romanesque.

« Catherine a la cinquantaine largement passée, elle n’en dit pas plus. Elle a un charme fou, mélange de séduction et de vraie désinvolture. Elle est en jeans et porte un chemisier sombre, ses cheveux sont détachés et en désordre. […]Le teint hâlé de Catherine contraste avec la mine blafarde de Victor. Il a 40 ans, mais c’est Catherine qui virevolte autour de lui.« 

Des personnages à foison : Tomás

Tomás (92 ans)
Il nous faut un personnage calqué sur le vieil écrivain qui rejoignit les villiste et fut exécuté par Fierro. Mais cette fois-ci, il devient le compère de Doroteo. Il est presque de son âge, de sa génération.
Il nous faut ce personnage du vieux que Doroteo « retrouve ».
Tomás est un ancien républicain espagnol. Il a passé les Pyrénées en 39 et fait partie de ceux qui ont échappé aux camps. Il s’est fait embaucher dans une des mines de fer de la région, y a travaillé jusqu’à la fermeture en 1965.

« Dans l’une des chambres, un pensionnaire est réveillé, il est assis dans un fauteuil, tout habillé, une veste sombre et difforme, et même les chaussures aux pieds, de vieilles galoches. Massif, les épaules larges, mais sans embonpoint, le vieil homme a le visage buriné, une moustache bien fournie et une épaisse tignasse.« 

Des personnages à foison : Doroteo

Bien sûr, nous sommes encore loin d’entammer réellement l’écriture.
Mais déjà, nous commençons à vivre avec les personnages de DMM City autour de nous…

Doroteo (124 ans)
Doroteo est un homme sans mémoire et sans passé. C’est un vieillard perdu qui s’approprie la mémoire d’un autre. Il rentre dans la peau de Pancho Villa et s’étonne lui-même qu’elle lui aille si bien.
Il écoute les récits et les digère. Récits d’enfants et d’adolescents qui ne lui transmettent que des bribes, qui construisent une image simple de héros sanguinaire. Récits plus sophistiqués, lorsque les mexicains entrent en jeu. Et l’image s’affine. Doroteo vit – revit – partie de cette histoire passée et enterrée. La prise du train, l’utilisation des mirages, la place qu’il donne aux filles de la cité en leur confiant un rôle important et concret dans la nouvelle structure qu’il bâtit.
Mais même en amont de ces histoires, sans doute portait-il déjà une part du personnage en lui. N’a-t-il pas levé cette armée d’enfants – comme l’avait fait Pancho Villa lors de sa dernière campagne – avec ce regard si mexicain, qui voulait qu’un individu passât à l’âge adulte au jour de ses six ans ? N’a-t-il pas éprouvé un trouble profond, en caressant sa jambe abîmée et raccourcie d’une très vieille blessure, le jour où il a appris comment Pancho Villa refusant l’amputation a surmonté la gangrène au prix de quatre centimètres de mollet ? Peut-être ne s’approprie-t-il pas la mémoire d’un autre, peut-être se réapproprie-t-il sa propre mémoire.
Comment décrire ce personnages sans passé, avec le passé d’un autre. Les personnages sont avant tout ce qu’ils font. Est-il ce qu’a fait Pancho Villa ? Sans doute en partie.
Il est ce Villa qui retourne voir son vieux compagnon d’arme pour l’entraîner dans une nouvelle campagne. Pour tenter de le convaincre, il l’emmène dans la montagne. Mais le vieux compagnon rechigne : j’ai une femme, j’ai des terres, une ferme. Et Pancho pointe un nuage de fumée dans la vallée : non mon ami, tu n’as plus de ferme, tu n’as plus de femme, tu peux venir avec moi.
Mais c’est avant tout Doroteo, cet homme qui a descendu les flancs des Pyrénées ravagés par les incendies. C’est ce cavalier hors pair qui peut engager son cheval au galop dans une ruelle et négocier un virage à angle droit sans frémir. Ce cavalier qui peut saisir la queue d’un bouvillon, l’enrouler autour de sa jambe, faire chuter l’animal et lui enrouler le lasso autour des pattes avant qu’il n’ait pu se relever.
Doroteo est un héros sanguinaire. Poussé par un désir de vengeance implacable, torturé par l’amour impossible. Il peut être une vraie brute et l’instant d’après, avoir beaucoup de charme et de joie de vivre. Il est à la fois très courageux et très cruel. Chacun de ses actes porte en lui ceux de Francisco Villa.

« Le vieil homme au crâne dégarni a le visage couvert de sueur, rougi par l’effort, mais il ne s’arrête pas. Corps massif, cou de taureau et jambes musclées, léger boitement […] Ses épaules se voutent et lui confèrent la fragilité d’un vieillard. Par instants, il relève sa tête et pointe vers l’avant son menton couvert d’une barbe blanche, il paraît prêt à avaler la montagne. […]Il a l’air dépité en découvrant sa lourde carcasse. Il tâte ses muscles, ouvre sa chemise et soupèse son ventre couvert de cicatrices. Puis il fait des grimaces, prend des poses de matamore, dents serrées, sourire carnassier. Il éclate de rire devant son air hirsute et tente en vain de dominer les mèches blanches rebelles sur l’arrière de son crâne et les poils de sa barbe. […]Il se rase la barbe, ne garde que la moustache.«