La musique dans « Le mur du silence »

Le Mur du Silence est un véritable voyage à travers la musique noire engagée des années 70 : Soul, Disco, Funk et Reggae. Plutôt que de s’attarder sur les grands standards, l’attention de Jean-Claude Barny se porte sur des artistes afros qui, par leur intégrité et l’intensité de leurs revendications, sont particulièrement en accord avec la thématique du film (Gil Scott-Heron, Donny Hathaway, Leroy Brown, Jimi Hendrix.
Mais aussi des artistes des Caraïbes – représentées à l’époque par le Compas haïtien et des groupes comme Galaxy, La Perfecta, Tabou Combo.
Sans oublier les enjeux et les sonorités d’aujourd’hui : Kery James, Admiral T, Nero. La musique est un élément essentiel dans le film, elle lui donne son identité et sa couleur.

Du coup, pour la première fois dans un de scénario (la deuxième fois en réalité, nous l’avions fait dans Mort ax espions!, mais pour d’autres raisons), nous intégrons les transcription des paroles dans le fil du texte.

Ainsi, dans la séquence 20:

Écouter, laisser se réapproprier

A l’époque où je donnais encore des cours, je ne cessais de le répéter: écrire un scénario a très peu de chose à voir avec l’écriture.

On écrit peu. 50% du temps et de l’énergie est consacrée à essayer de comprendre ce que souhaite le réalisateur. Le faire parler, le faire formuler, encore et encore, écouter. Les 50% restant consiste à lui donner les outils pour se réapproprier le scénario. Il doit pouvoir revendiquer chaque mot du scénario. Ce foutu texte, il va se le traîner encore plusieurs mois (plusieurs années en réalité): le financement, la préparation, le tournage. Il va devoir le défendre, se battre pour lui. Il faut que ce soit le sien.

Ces deux étapes sont au coeur du travail. Elles sont différentes à chaque fois. Aucun réalisateur ne fonctionne de la même manière. Il faut tout réinventer à chaque fois.

Avec Yves, nous écrivons presque toujours une « version zéro »: c’est une version complète du scénario, basée sur les premières discussions de travail avec le réalisateur. C’est une version qui est censé faire réagir le réalisateur, lui donner du recul, nous permettre de mieux comprendre ce qu’il cherche, ce à quoi il tient et ce qu’il est prêt à abandonner.

La version zéro du « Mur du silence » n’a pas produit l’effet escompté. Jean-Claude Barny n’y a pas retrouvé ses petits, il l’a lue avec une grnde perplexité. Au temps pour nous. Nous n’avons pas su décoder ce qu’il désirait. Nous avons mésestimé sa réaction à la lecture d’un texte auquel il se sentirait extérieur.

Nous n’avons plus qu’à remettre l’ouvrage sur le métier, et à écrire une version zéro point un!

Justice des enfants

L’écriture du Mur du silence progresse.

A l’occasion d’une séance de travail avec Barny, nous croisons Serge Lalou, au détour d’une travée des Films d’Ici.

Nous sommes des auteurs qui proposons. Nous débarquons toujours chez les producteurs avec des projets qui nous semblent indispensables. Il est rare que cet avis soit partagé par les diffuseurs.

Le temps est froid. Je suis resté coincé sous la neige pendant deux semaines. L’humeur est particulière. Alors que ce n’est pas dans nos habitudes, nous interrogeons Serge sur ses désir de production. Pourquoi pas, pour une fois, essayer de sentir le désir des responsables de programmes… histoire de voir si quelque chose nous plairait.

Du bout des lèvres, Serge lache: « La justice des enfants, fiction, une série ».

Bien sûr, il sait qu’il fait mouche. S’il y a bien un sujet fort à la périphérie de DMM City, c’est celui-là.

Réfléchissons un instant. D’un côté il y a l’ordonnance du 2 février 1945, de l’autre le discours de Sarkozy à Grenoble le 30 juillet 2010.
Depuis novembre, Michel Mercier, notre Garde des Sceaux, s’échine à expliquer que les orientations actuelles en matière de justice des mineurs ne sont que des réformes parmi d’autres, qui s’inscrivent dans la longue liste des textes qui réforment ladite justice des mineurs depuis le début du siècle.
Le début du siècle? Oui, le début du siècle. Il insiste: pourquoi vouloir sacraliser l’ordannance de 45, elle qu’un texte parmi d’autre, la justice des mineurs existe depuis le début du siècle!
Certes. Mais l’ordonnance de 45 n’est certainement pas un texte parmi d’autres. C’est elle qui définit le mineur, non pas comme un adulte en réduction, mais comme un adulte en devenir. C’est elle qui définit le mineur délinquant comme un individu dont la société est responsable et qu’elle doit protéger (le texte n’a-t-il pas été écrit, entre autre, pour protéger les millers d’orphelins issus de la guerre?). Comme nous ne cessons de le répéter dans DMM City (sans trouver beaucoup d’écho), il s’agit bien de nos enfants. L’insistance de Mercier à reléguer l’ordonnance de 45 à une réforme parmi d’autre est délibérée et suspecte.

Continuons à réfléchir. Nous allons bien trouver une idée. Quelque chose de simple qui, sans être insistant, montrera le grand écart entre 1945 et 2010.

Jean-Claude Barny

Ca y est, rebelote, Serge Lalou nous appelle en écriture: le prochain film de Jean-Claude Barny. Comme c’était le cas pour Didier Nion et son « Hérétique », c’est un projet que le réalisateur porte depuis de nombreux mois déjà. Des années de combat à mort avec un scénario qui refuse de ressembler au film qu’il a en tête.

Jean-Claude Barny, nous voyons très bien de qui il s’agit. « Nèg Maron », il y a quelques années. Un film vif, enlevé, spontané. Un film qui sort des sentiers rebattus. Un film assez juste sur les regards croisés entre Guadeloupe et métropole. Parfois, il est vrai, un peu plombé par des séquences sentencieuses et démonstratives. Peu importe, le film est réussi. Barny, c’est aussi le casting de « La haine ». Et bien sûr, beaucoup de clips de musiciens issus des cités.

Nous rencontrons Jean-Claude. Il ne ressemble pas à l’image que nous nous en étions faites. Posé, en retrait, à l’écoute.

Son projet est l’adaptation du récit écrit par Loïc Léry à la fin des années 70: un jeune Martiniquais tombé pour braquage. Le livre de Léry se déroule presqu’exclusivement en prison, à Fleury-Mérogis. Quelques pages consacrées aux braquages et au parcours à la fin du récit. Un scénario existe, qui suit assez précisément la chronologie du livre.

Au-delà des qualités et défaut du scénario: « Un prophète » d’Audiard est passé par là, laminant avec brio la thématique des tensions raciales en milieu carcéral. Il faut trouver un autre angle d’attaque, réinventer l’histoire.

Bien sûr, nous allons avancer. Le projet est excitant. Passer quelques mois dans le milieu antillais du Paris des années 70. Oui. Donc, nous allons écrire « Le mur du silence ».

« L’hérétique » – Avance sur recette!

Nous avons obtenu l’avance sur recettes du CNC pour « L’hérétique » de Didier Nion.

J’étais à Valenciennes, dans un petit hôtel, quand j’ai reçu le coup de fil de Serge Lalou.

Didier Nion, son précédent film (« Dix-sept ans »), la manière dont il porte le projet: tout cela l’a emporté.

Le scénario aussi sans doute : nous sommes tombés sur une commission qui a su se laisser séduire par sa radicalité extrême.

Vivement la suite. Depuis longtemps je n’ai pas éprouvé tant d’impatience à voir sur l’écran un film que j’avais écrit.

Épépé

Épépé sort littéralement de nulle part. Un livre posé sur une étagère, tout en bas de la pile des livres à lire. Sorti par hasard, sans aucun souvenir de sa provenance.

Sa lecture est un choc absolu.

Mais qui donc a écrit ce livre ?

Ferenc Karinthy était journaliste, linguiste, dramaturge et romancier, animateur de jeux radiophoniques et champion de water-polo. Et pendant toutes ces années, il travaillait à son chef d’œuvre, Épépé, publié en 1970. Karinthy meurt en 1992, alcoolique et presque oublié de tous.  Depuis, son roman a été traduit dans de très nombreuses langues. De pays en pays, le livre reste dans la marge, mais gagne l’aura d’un livre culte.

 

Le postulat du livre nous ravit. Il est très simple :
Un homme s’endort dans l’avion qui le mène à Helsinki pour un congrès. Il débarque ailleurs, dans une ville inconnue, où l’on parle une langue parfaitement inintelligible.
Cette métropole est familière, mais tout y est étrange et oppressant. L’homme égaré suit malgré lui la frénésie de la rue, la foule toujours en mouvement, il parcourt inlassablement les rues, et se réfugie de temps en temps dans la solitude de sa chambre d’hôtel. Il ne comprend, littéralement, plus rien.
Il cherche désespérément une solution pour quitter cette ville et rentrer chez lui. Il explique, crie, se débat sans succès, accumule les situations burlesques et tragiques.
Entre agitation vaine et brusques moments de dépression, il est attiré par Épépé, une jeune femme préposée aux ascenseurs de l’hôtel. Mais il est incapable de même saisir son prénom avec certitude : Bébé, Tyétyé, Épépé, Étété, Ébébé, Djédjé, Tété. Cette langue n’est pas seulement inintelligible, elle se dérobe, semble changer de nature selon le locuteur ou le moment de la journée.
L’étau se resserre. Il n’a plus d’argent, il est expulsé de son hôtel. Alors qu’il perd pied, il réalise qu’il a de moins en moins envie de quitter cette ville à laquelle il est pourtant irrémédiablement étranger.

Dans la tête de chaque réalisateur et de chaque scénariste, il y a ce même rêve inaccessible : trouver « l’idée ». Une sorte de Graal, ou plutôt comme une antienne qui résonne lorsqu’on découvre Its a wonderfull life (La vie est belle) de Franck Capra ou The groundhog day (Un jour sans fin) de Harold Ramis : « quelle idée géniale ! ». Comme si la force et l’évidence de l’idée pouvait suffire au film. Le postulat d’Épépé appartient indéniablement à cette catégorie.

Épépé, de Ferenc Karinthy, éditions Denoël

L’hérétique, version zéro

Depuis quatre mois, nous travaillons sur « L’hérétique », le film de Didier Nion.

Adapter « Naufrager volontaire », d’Alain Bombard… Lorsque nous avons commencé, Didier nous a confié le fruit de son labeur solitaire. Des notes compilées pendant des mois, une documentation inestimable, des photos par milliers, un montage d’archive qui, déjà, ressemble à un film. Et aussi les nombreuses tentatives de continuité auxquelles dans lesquelles il se heurtait sans fin à des problèmes insolubles.

Toujours difficile de rentrer dans un projet qui habite un réalisateur depuis si longtemps.

Nous avons écrit un scénario dans notre coin, pour tenter d’apporter un recul salutaire à Didier. Nous avons fait des choix très radicaux: le film commence alors que Bombard prend la mer, il se termine avant même qu’il « atterisse » à la Barbade. Le film entier se déroule en mer, Alain [Bombard] seul dans son canot. Juste quatre séquences à terre: Jack Palmer (le compagnon de Bombard qui n’a finalement pas embarqué avec lui) dans un café à Tanger.

Nous eu de la chance, nous avons visé juste: Didier Nion voit enfin son film. Il reste bien du travail encore, pour que chaque séquence prenne sa place, pour qu’il puisse revendiquer chaque situation comme sienne.

Quinze jours sur les routes d’Allemagne et de Pologne

Repérages.

Derrière les rangées denses de sapins qui longent l’autoroute, une trouée immense s’illumine d’un coup : la base aérienne américaine de Ramstein. La lumière blanche des immenses projecteurs nous aveugle et inonde le ciel et la forêt. Un gros porteur militaire à hélices est en phase d’approche. Plus brillant qu’en plein jour. L’avion atterrit presque au ralenti, dans un formidable grondement d’hélices. Un semi-remorque passe, klaxon enfoncé.

Les derniers petits jardins enneigés à la sortie du village. Quelques dizaines de mètres le long d’une voie ferrée masquée par la neige. Apparaissent les deux arches surmontées par la tour de surveillance en brique du portail du camp de Birkenau. Les rails filent jusque sous la plus grande des arches.
Les hautes clôtures de barbelés filent dans le brouillard, de part et d’autre du bâtiment. Quelques rares touristes courent dans le froid jusqu’à l’entrée du camp, s’engouffrent dans la neige et le vent, disparaissent. La lumière du jour baisse.

La route, sur les voies en face une file interminable de camions en direction de l’Allemagne. Le ciel craque, le froid engourdit.

96. Poznań. Rue hôtel. EXT-NUIT.
Alexandre rentre à l’hôtel sous la neige. Un tourbillon hypnotisant dans la lumière intense des lampadaires. Les publicités lumineuses clignotent sur les tours du centre commercial. Des jeunes gens passent en courant, les voitures roulent au pas, Alexandre s’allume une cigarette. La neige lui cingle le visage. Il a l’air heureux. Il passe devant la vitrine d’un magasin d’électronique, une des télévisions allumées diffuse les images de Moscou : le Kremlin disparaît dans la fumée.
Alexandre s’arrête, regarde derrière lui ses traces de pas dans la neige. Il fait demi-tour et se met à courir.

Quinze jours tout à fait formidables. Autant le dire: cette histoire emplit nos têtes.

Didier Nion

Yves et moi avons rencontré Didier Nion ce matin. La rencontre a été proposée par Serge Lalou, un des producteurs des Films d’Ici. Depuis plusieurs mois, il prépare une adaptation du récit d’Alain Bombard, « Naufragé Volontaire ».

Didier Nion a un regard très intense. Il est sec et maigre. Il est… habité, impossible de trouver un autre terme. Le livre de Bombard, sa traversée de l’Atlantique (seul sur un radeau, en 1952, pour prouver au monde qu’on ne peut mourir en mer) l’habite littéralement. Chacun de ses geste, chacune de ses phrases vont dans ce sens. Il y a quelque chose d’emballant et d’effrayant. Et une certitude se dégage: s’il y a une seule personne capable de réaliser un tel film, c’est bien Didier Nion. Il sait comment le faire!

Bien sûr, nous allons plonger à ses côtés et tenter d’écrire ce film!

Didier Nion est un ébéniste. Didier Nion est un navigateur qui a traversé l’Atlantique à de nombreuses reprises. Didier Nion est surtout un grand réalisateur.

Les réalisateurs qui ont fait ne serait-ce qu’un seul bon film dans leur vie se comptent sur les doigts des mains. Didier en fait partie. Il a réalisé, il y a quelques années, un dcumentaire intitulé « Dix-sept ans ». Le film est tout simplement remarquable (critique).

« Votre film post-punk »

« Votre film post-punk… » le mot a été lâché par la productrice.

Les espions sont-ils des punks ? Notre Alexandre est-il punk ?

Exécuter des gens pour profession est une forme très concrète de nihilisme. « Le révolutionnaire ne connaît qu’une science : celle de la destruction » affirme Netchaïev — expert s’il en est en matière de nihilisme — dans son « Catéchisme du révolutionnaire ». Alexandre peut revendiquer chaque mot de ce bréviaire de la destruction, sa violence a été forgée à bonne école.

Alexandre a quarante ans, l’âge de la « seconde génération punk ». À l’ouest, les jeunes de son âge écoutaient encore les Sex Pistols ou plutôt Bérurier Noir. Les morceaux des groupes punks étaient rapides, nerveux et brutaux, trois adjectifs qualifiant parfaitement les exécutions du Smersh. Alexandre et les punks parlent un même langage. Le punk est destructeur, tout comme l’exécuteur. Les Smersh, des illégaux (même parmi les espions), ne doivent pas même exister. Ils appartiennent aux minorités invisibles, comme les punks : mis à l’index.

Les espions

Les espions s’invitent depuis longtemps dans nos projets individuels ou communs, ils hantent nos écritures — scénarios et romans — un peu comme une filiation ou un héritage de plus en plus lourd à trimballer.

La matière historique est là, le vécu également. Des années déjà au cœur des services secrets sur de précédentes écritures, et nos histoires personnelles et intimes, peuplées de voyages, de liaisons étrangères et d’hommes de l’ombre.

Un jour ou l’autre, il va bien falloir s’y coller!

Le sujet du film ? Ce serait : le crépuscule des espions et l’aube d’une jeunesse qui ne croit plus aux lendemains.

Il y aurait un espion. Il s’appelle Alexandre (ce n’est pas son vrai nom). Alexandre est un Smersh : un exécuteur autonome du KGB qui traque les traîtres en solitaire. C’est le dernier d’entre eux. Il ne le sait pas. Pas encore.

Il y aurait un vieillard teigneux. « Pepe ». Il se prétend ancien chauffeur de Trotski

Pour nous, le moment est venu de régler leur compte aux espions. Ils meurent et avec eux les mythes disparaissent, les utopies sont assassinées et les rêves confisqués.

Un film qui prendrait acte de la fin d’un siècle et de la naissance d’un autre. L’espion, né sur les décombres des guerres mondiales et les restes de la guerre froide, hanté par le souvenir des camps de la mort, n’a plus de certitudes, il se fissure, craque. Les blessures n’ont jamais été refermées, un monde a disparu ; l’avenir du nouveau monde qui se dessine est brouillé et déréglé. La violence idéologique laisse la place à une violence nihiliste.

Nous voulons éclairer une dernière fois ce monde qui n’en finit pas de disparaître pour mieux parler de nos enfants : il y aurait une jeune fille, Enola. Elle appartient à la première génération qui n’a pas connu ces espions et leur cohorte de fantômes. Elle n’est pas atteinte du « supervirus de la folie de l’espionnage » dont s’amuse John Le Carré. Elle ne se nourrit pas des fantasmes de « l’industrie de l’ombre ». Enola, comme nos enfants, a en permanence une trace sombre et inquiétante qui brille au fond des yeux. Elle tangue, seule, au bord du monde, la tête enivrée par un fiévreux mélange de haine et d’amour, avec un immense appétit de destruction et de beauté.

Le film ne cédera à aucun désespoir, mais plutôt à l’espoir. L’espoir qu’Alexandre aimerait transmettre à la jeune Enola. Avec violence et déraison,
certes. Notre fiction livre une vision impatiente de l’avenir. Un avenir aussi convulsif, impertinent et joyeux que les danses d’Enola lorsqu’elle bondit en tous sens, le casque vissé aux oreilles et les yeux fermés.

Nous avons exposé ce fatras d’idées à notre productrice. « Vous avez tout pour plaire », nous lance-t-elle avec une pointe de sarcasme dans la voix : « faire un film d’atmosphère (même quand on ne parle pas de crépusculaire, c’est toute une histoire), y glisser de la violence et du désespoir, transformer une chasse aux espions en une fuite nihiliste avec des vieux (carrément un vieillard !) et des très jeunes (cette jeune fille, Enola, 17 ans qu’on jurerait héroïne de manga capable de tout, surtout du pire), votre exécuteur des services secrets russes qui dort depuis 1991 au milieu des blés de Beauce, cet ancien chauffeur de Trotski qui attend vainement une exécution digne de son parcours (on l’imagine avec les bottes aux pieds, tout droit sorti du dernier western de John Ford), le tout dans un ample mouvement qui va de l’été à la nuit froide, du crépuscule à l’aube, ou le contraire. Votre film post-punk, vous allez le faire comment ? ».

On va commencer par réfléchir!

Changement de titre, encore…

Au-delà du titre de notre projet sur les indépendances en Afrique noire, « Bison 6 » qu’est-ce que c’est?

« Bison 6 » est le Service VI du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ancêtre de la DGSE), créé juste avant l’indépendance des pays d’Afrique noire en 1960. Sa fonction officielle est d’assurer la protection des chefs de ces nouveaux états africains lorsqu’ils se rendent en métropole. Mais sa fonction officieuse et principale est de rassembler des informations compromettantes sur lesdits chefs d’Etat afin de pouvoir exercer d’utiles pressions. Un des outils de prédilection de « Bison 6 » est la compromission sexuelle. Officiel ou officieux, « Bison 6 » est illégal puisque le SDECE n’a censément pas le droit d’opérer sur le territoire français.

Certes, l’un de nos personnages est une des chevilles ouvrière de « Bison 6 », mais il reste un personnage annexe. La plus grande partie de l’histoire se déroule en Afrique et non à Paris des les coulisses du pouvoir gaulliste. « Bison 6 » est une fausse piste, nous l’avions choisi dans l’urgence au moment où nous avions été obligé d’abandonner « Gerbois bleue ».

Le projet s’intitulera donc « Expédition taxi-maboule ». Le taxi-maboule est une brouette qui sert à transporter les objets encombrants, du frigo à la grand-mère, et connu pour écraser tout sur son passage. Juste ce qu’il nous faut.

 

Le travail d'écriture de Thomas Cheysson