Aujourd’hui, Éclaté au sol est passé dans une autre dimension.
Les textes, jusque-là silencieux, sont devenus des voix. Littéralement.
Et je dois dire : c’est impeccable. Fluide. Très vif.
Une journée dense, mais c’est la bonne fatigue — celle où le projet roule plus vite que soi.






Derrière la vitre
La cabine est minuscule, crème, chaude comme un couloir de théâtre juste avant une entrée.
Un micro, deux pieds, un pupitre invisible, un casque posé sur une table orange. Très orange.
Et puis un jeune comédien, concentré, légèrement de profil, le souffle calé avant la réplique.
J’ai pensé : Arthur peut exister maintenant.
Il y a toujours ce moment étrange où une voix qu’on n’avait entendue qu’en imagination s’impose, au réel :
ni tout à fait ce qu’on attendait, ni tout à fait autre.
Juste… juste.
En régie : précision chirurgicale
Dans la régie, c’est un ballet.
L’ingénieur du son ajuste, scrute les courbes, appelle un retour trop bas.
À côté de lui, une collaboratrice note tout, coche, renote, recale le texte.
Et à l’arrière, Nathalie Homs — concentrée, bras croisés ou penchée en avant — écoute avec une précision redoutable.
Je la vois faire de petits gestes :
la main qui indique plus vite,
les doigts qui pincent plus serré,
ou cette manière de lever l’index pour signaler un déséquilibre dans une phrase.
Chaque indication est nette, courte, limpide.
Elle dirige en rythme, comme un métronome humain.
Les dialogues prennent leur autonomie
Quand deux adolescents enregistrent ensemble, la cabine change d’atmosphère :
on entend le sourire dans les répliques, les micro-soupirs, cette connivence involontaire qui fait toute la vérité d’une scène.
À un moment, l’un d’eux trébuche sur un mot, rit, s’excuse — et Nathalie :
« Garde ça. Recommence. Mais garde le souffle. »
Et tout s’aligne.
Un vrai miracle d’intonation.
Plus tard, une jeune actrice entre en scène pour Lou.
Elle pose son sac par terre, avance d’un pas.
Elle dit une phrase que je connais par cœur — que j’ai écrite — et soudain elle m’échappe.
Elle la dit à sa manière.
Lou n’est plus “Lou dans le fichier Word”, mais “Lou dans une pièce fermée, face à un micro”.
C’est le moment que je préfère : quand les personnages ne nous appartiennent plus.
C’est la course, mais une belle course
On enchaîne.
Les scènes défilent.
La régie chauffe.
Tout le monde court derrière le planning, mais dans une sorte d’énergie super claire :
le texte avance, les voix avancent, le projet avance.
Entre deux prises, je regarde les écrans :
l’onde verte du logiciel, les écritures minuscules de mes dialogues sur une fenêtre projetée au mur.
Je me dis : ça, là, ces mots, ils avaient été écrits en janvier. Et voilà où ils en sont aujourd’hui.
Demain, on recommence
On sort tard, un peu sonnés, mais ravis.
On se dit qu’on fera encore mieux demain.
Et moi, dans le couloir, j’ai ce petit sourire idiot que j’ai toujours aux enregistrements :
celui de quelqu’un qui a vu ses personnages prendre leur voix.


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