Feuilleton radiophonique de Thomas Cheysson et Yves Nilly
Mis en onde par Jean-Matthieu Zahnd
Diffusé par France Culture du 2 au 13 février 2015 à 20h30
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Julien et Patrice sont deux jeunes étudiants enthousiastes frais émoulus de l’ultime promotion de l’Ecole coloniale de la rue de l’Observatoire.
Au cœur de l’été 1960, ils se lancent dans une surprenante équipée à travers l’Afrique Occidentale Française et l’Afrique Equatoriale Française en compagnie de Suzanne, jeune ethnologue, et Xavier, leur ancien camarade de lycée, dilettante et roi de la débrouille.
En suivant très exactement le parcours de la sanglante et tragique expédition des Colonels Voulet et Chanoine chargés de coloniser le Tchad, soixante ans plus tôt, les jeunes gens donnent dans les villages un spectacle pédagogique : au moment où les pays d’Afrique deviennent indépendants, il leur semble important de célébrer une dernière fois le génie colonial français, tout en reconnaissant les erreurs qui ont pu être commises au nom de sa mission civilisatrice.
Mais en ce mois d’août 1960, les événements se précipitent.
La France vit sa révolution électroménagère et télévisuelle en noir et blanc, elle fait exploser « Gerboise bleue », sa première bombe atomique. Fort et fier de cette entrée tonnante dans la modernité, le Général de Gaulle accorde d’un geste désinvolte l’indépendance à douze pays d’Afrique noire. Les régions traversées par nos deux blancs-becs et leurs acolytes deviennent 12 pays indépendants.
Comme dans un jeu de dominos, l’Afrique bascule, la France aussi, le monde entier. Un souffle de liberté sans précédent balaie le continent et ses centaines d’ethnies diverses. Notre fine équipe, pourtant préparée à ces indépendances annoncées, découvre jour après jour l’incroyable violence et complexité politique de ce continent offert à toutes les révolutions modernes. Et rattrapés par l’horreur et la barbarie des crimes perpétrés par la colonne Voulet-Chanoine, les jeunes Français réalisent l’incongruité de la repentance imaginée avant le départ.
Fuite en avant, fuite tout court, l’équipée prend vite des allures de mascarade totalement anachronique. La rencontre impromptue avec les Haukas, qui en 50 ans ont créé une religion où, lors de cérémonies spectaculaires ils mettent en scène et sacralisent l’administration coloniale et ses pratiques, précipite nos pieds-nickelés dans une folle poursuite, violente et burlesque. Hommes de l’ombre et barbouzes français et étrangers, militants et opposants politiques, sectes et anthropologues, trafiquants, rêveurs, amazones, chasseurs et mercenaires vont les accompagner tout au long de leur odyssée africaine.
On court après ou avant l’indépendance, on ne sait plus trop, on prend la fuite devant des villageois en colère, on se retrouve en prison avec des militants panafricains émules de Malcolm X, on échappe à des hommes des services secrets français prêts à tout pour éliminer les gêneurs, on abandonne la camionnette trop voyante aux Haukas qui filent vers le désert algérien avec un chargement d’uranium, on saute dans un train ou dans un petit avion piloté par Ernest Hemingway en personne. On s’écrase au Cameroun au milieu d’une indépendance qui se conquiert les armes à la main. On court dans la forêt équatoriale, on court surtout à la catastrophe.