Un réalisateur pour « Gerboise bleue »

Nous cherchons un réalisteur pour Gerboise bleue.

Nous sélectionnons et visionnons des films. Nous cherchons une clé qui nous donnerait envie de faire lire le projet.

L’Afrique, Sarajevo, Beyrouth, Buenos Aires, le mélange entre fiction et documentaire, budgets serrés la plupart du temps, équipes réduites, on est bien dans les problématiques de Gerboise bleue
Voir ces films et penser à ces réalisateurs est pertinents, cela fait avancer notre réflexion, notamment sur les spécificités du projet.
La qualité essentielle après laquelle nous courons est une capacité de recul et de mise à distance. De l’humour, de la légèreté, de la désinvolture et de la dérision.

Synthèse des films visionnés

Voici quelques impressions à la volée, synthèse de nos visionnages (nous ne sommes pas toujours d’accord).

Eliane de Latour

Les films d’Eliane de Latour nous font la plus forte impression. La direction d’acteur est remarquable, le cadre aussi, la lumière. Scènes de violence, ruptures de ton, distance, c’est souvent juste, toujours précis, on sent la caméra toujours prête à saisir un accident, une possible improvisation, mais c’est toujours parfaitement maîtrisé, dans la conduite du récit comme dans la mise en scène. La puissance qui se dégage de Bronx-Barbès correspond à ce que nous cherchons. Curieusement le second film paraît moins maîtrisé, parfois brouillon, peut-être parce qu’il laisse plus ou trop de place à l’improvisation ?
Il y a là une capacité à inventer les solutions de mise en scène et de tournage qui seraient nécessaire à la série.
En pensant à Gerboise bleue, l’importance même de l’Afrique moderne pour Eliane de Latour pourrait être un handicap, le risque de ne pas laisser la fiction se déployer, le refus du genre. Pourtant, certaines scènes ressemblent bien à notre approche, notre mélange des genres, ainsi la scène des funérailles dans Bronx-Barbès : elle ose mélanger des rites différents pour les mettre au service de la fiction. Tout le monde serait prêt à parier que la scène est juste, presque ethnographique alors qu’elle est totalement fictive et mise en scène, reposant certes sur une observation très précise de cérémonies.
Au-delà des doutes quant au genre (l’aventure), la liberté qu’il impose, l’impertinence, nous avons noté le manque d’humour ou simplement de dérision, les décalages bienvenus. Ils n’ont pas leur place dans ces deux films certes, impossible pour nous de dire si la réalisatrice en aurait le désir, l’envie, mais dans l’affirmative nous lui ferions confiance.
Nos réactions ont été proches : l’intrusion d’une réalisatrice dans DMM City plutôt que Gerboise bleue

Lucia Cedron

La mise en scène est sophistiquée, trop pour nous, un côté pictural qui dénature certaines scènes, fait perdre de la tension.
Certes, comme nous, elle utilise la fiction pour dépeindre une période historique et politique.
Nous sommes restés pragmatiques, au-delà des qualités du film nous n’avons pas trouvé l’inventivité nécessaire au tournage de Gerboise bleue.
Plus encore que pour les films d’Eliane de Latour, nos remarques sur l’impertinence et l’humour s’appliquent à ce film.
L’approche de la réalisatrice (le regard de l’enfant sur une tragédie familiale comme représentation d’une histoire politique violente et douloureuse), personnelle, mais pas forcément juste. Il faudrait une direction d’acteur irréprochable ; nous avons tous les deux été gênés par l’interprétation inégale. Une façon d’avoir trop confiance en son sujet, son honnêteté, sa force. Trop de jeu sur les sentiments. Nous a manqué de la tragédie, de la violence sourde, de l’invisible.

Ghassan Salhab

A l’arrache, avec des maladresses, mais avec beaucoup d’invention et de générosité. Parfois certaines inventions formelles (les interviews, les scènes volées, les trop nombreuses scènes en voiture) desservent l’ensemble.
L’écriture fragmentée de Terra Incognita nous plaît (davantage que le côté road-movie).
Mais, comme dans Beyrouth fantôme, il laisse jouer ses comédiens au lieu de les faire jouer, il laisse tout le temps jouer, c’est une démarche volontariste qui finit paradoxalement par rendre le tout trop cérébral, rigide (épousant la cité rêvée de l’architecte, son enfermement).
Au regard de ses films, difficile de savoir s’il trouverait les solutions pour Gerboise bleue, et encore moins s’il serait prêt à jouer le genre, les genres et à diriger les acteurs.
Pourtant, ses deux films sont assez étonnants, dans ce qui les traverse, d’intime et de mélancolique. 

François Lunel

Sur ce film, nos avis divergent. Une aventure, une expérience de vie plutôt qu’un film réussi. Touchés évidemment, par l’intimité, ce qui se dégage chez les acteurs, la proximité, mais là aussi quelque chose qui finit par tourner à vide et qui tient à distance le spectateur. On se laisse finalement prendre ou on le trouve lent, c’est selon, sans âme alors que l’âme est au centre du projet. Les thèmes et enjeux sont forts, passionnants, la vie et la ville, jouer à vivre, à reconstruire, être en guerre, l’art en temps de guerre, survivre ou renoncer, résister, la démarche est sincère, les acteurs aussi, le film pose pas mal de questions sur la place de la fiction, celle qui s’écrit à partir d’une réalité vécue, mais on dirait qu’il finit à la fois par tuer toute réalité et nier la fiction.
Unanimité par contre sur l’emploi désastreux de la musique…
Le réalisateur nous paraît tout de même loin du pari télévision de Gerboise bleue.

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