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Quelques mois après Piccoli…

…c’est au tour de Jean-Claude Carrière de disparaître.

J’avais rencontré Jean-Claude juste après l’écriture, avec Michel Piccoli, de « Alors voilà, » en 1995. Le scénario ne rencontrait aucun écho, la polie et totale absence de réponse des distributeurs et diffuseurs était assourdissante.

La productrice avait alors demandé à Michel s’il pourrait solliciter Carrière pour écrire une version plus aimable du scénario : une « version diffuseur ».

Ils se connaissaient depuis le film « Belle de jour » de Buñuel dont Carrière avait écrit le scénario.

Nous avons eu quelques séances de travail avec Jean-Claude. Il adorait Michel. Et pendant ces séance, je ne cessais de me demander pourquoi Piccoli avait choisi de travailler avec un scénariste néophyte de vingt-cinq ans plutôt qu’avec quelqu’un comme Jean-Claude, puits d’expérience, d’intelligence et de vivacité…

Très rapidement et avec un savoir-faire dévastateur, Jean-Claude a dressé les grandes lignes de cette version aimable du film que nous venions d’écrire. Et je voyais Michel blêmir… Même s’il savait que cette réécriture n’en était pas vraiment une, même s’il était très clair que son film serait ce que nous avions écrit pendant les quatorze mois précédents et non cette vision « accceptable » de son histoire, Michel souffrait de cette reformulation de son travail. Il ne le supportait pas.

Jean-Claude l’a vu, lui aussi. Et le travail s’est arrêté là, la version aimable du scénario abandonnée.

Quelques années plus tard, alors que je me prenais les pieds dans la lourdeur des scènes politiques de Parole de pirate!, j’ai appelé Jean-Claude.

Nous ne nous étions pas revus depuis cette tentative avortée quelques années plus tôt. Il m’a pourtant immédiatement répondu. Il a très attentivement lu mon scénario. Il m’a reçu dans sa charmante petite maison parisenne. Et il a consacré un après midi entier à me parler des scènes qui me posaient problème et à trouver des solutions. Pendant l’après-midi les anecdotes et les histoires se sont enchaînées sans discontinuer. Des histoires de Pancho Villa (qui était un des personnages à l’arrière plan de mon scénario). Des histoire de Luis Buñuel avec qui il avait longuement planché sur un scénario jamais réalisé qui mettait en scènes de longues discussions politiques et comment ils avaient contournés les mêmes difficultés que je rencontrais avec mon texte.

Un après-midi délicieux, en compagnie d’un homme généreux, d’une folle curiosité, rieur et extrêmement brillant.

La tête de Pancho Villa

La tête de Pancho Villa a été volée après sa mort. Mille histoires et rumeurs courent sur le sujet. En écrivant DMM City, nous en avons recencé un grand nombre. Pendant l’écriture de DMM City, nous n’avons jamais tranché la question de savoir si notre Doroteo était réellement Pancho Villa ou non. Il a l’âge (124 ans), ce pourrait bien être lui. L’épisode 6 est quand même intitulé « La tête de Pancho Villa ».

À la fin de la série, Dortoeo meurt, et nous voulions faire un sort à sa tête. Il existe une version du douzième et dernier épisode dans laquelle il est décapité par un camion au bord d’une petite route mexicaine. Nous sommes plus sobres dans la version définitive: Carlos Fuentes, le détective obtient l’autorisation d’inhumer le corps de Doroteo à Chihuahua dans la tombe de Pancho Villa, après avoir fait constater qu’elle était vide. Lors de la cérémonie, les enfants forcent le cercueil et découvrent le corps de Doroteo sans tête, et l’air coupable de Fuentes. Nous entamons probalement l’écriture d’une version radiophonique de DMM City à la rentrée. Mais ce n’est pas cela qui me fait écrire ces quelques lignes sur la tête de Pancho Villa. Je lisais hier soir le premier livre de la série que James Lee Burke a consacrée au lieutenant de police Dave Robicheaux, La pluie de néon. Et je suis tombé sur le récit le plus incroyablement fantaisiste concernant la tête de Pancho Villa:

« Je songeai aux compagnons de route de Pancho Villa qui avaient trouvé son assassinat et la fin de son ère de violence tellement inacceptables qu’ils avaient déterré son cadavre, sectionné la tête du tronc avant de la placer dans une énorme bombonne de verre pleine de rhum blanc et emporté le tout dans une Ford Modèle T jusqu’aux Monts Van Horn aux abords d’El Paso, où ils lui avaient donné une sépulture en le recouvrant sous un tas de roc orange. Des années durant ensuite, à la nuit tombée, ils avaient dégagé les pierres, bu le mescal, fumé la marijuana en s’adressant au visage en rictus tout bouffi, flottant derrière le verre. »

Ce serait une très jolie scène à filmer, non?